10 mars 2021

Peut-on tout partager sur les réseaux sociaux ?

La profusion des fonctionnalités de partage sur les réseaux sociaux, que nous utilisons au quotidien, peut donner le sentiment que l’on peut tout partager sur ces espaces. La réalité est plus complexe et le droit en fixe les limites.

Sur les réseaux sociaux l’anonymat n’existe pas

En créant votre compte sur les réseaux sociaux, vous avez le choix d’utiliser votre identité réelle ou un pseudonyme, sous réserve des conditions générales de chacun des services. La première option est souvent privilégiée sur les plateformes professionnelles comme LinkedIn. La seconde option est plus répandue sur les réseaux personnels. Dans tous les cas, l’utilisateur se crée une identité numérique qui permet de l’identifier.

En effet, contrairement aux idées reçues, il est illusoire de penser que la navigation sur internet se fait incognito et l’utilisation d’un pseudonyme n’est en aucun cas une garantie d’anonymat. Si un individu a commis des faits répréhensibles sur les réseaux sociaux, il peut notamment être identifié par l’intermédiaire d’une enquête de police, par exemple par le biais d’une demande au responsable du site ou du service, avec son adresse IP/MAC ou encore sur demande à son fournisseur d’accès à internet (FAI).

La loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, dite « Confiance dans l’économie numérique », permet aux victimes et aux juges d’obtenir des hébergeurs la communication de l’identité permettant l’identification des personnes.
 

Sur les réseaux, le difficile respect de la vie privée  

Chacun a droit au respect de sa vie privée », comme le mentionne le Code civil français. Dans la société française, ce principe a une telle valeur qu’il a été rattaché à l’article 2 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789.

La violation des dispositions de l’article 9 du Code civil expose le responsable à des dommages et intérêts. Par ailleurs, l’article 226-1 du Code pénal régit le délit d’atteinte à la vie privée d’autrui. Il punit d’un emprisonnement et de 45 000 € d’amende le fait, au moyen d'un procédé quelconque, volontairement de porter atteinte à l'intimité de la vie privée d'autrui :

  1. En captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ;
  2. En fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé"

À cela peuvent s’ajouter des peines complémentaires (interdiction des droits civiques, civils et de famille ; affichage ou diffusion de la décision prononcée, etc.).

En somme, il est interdit de transmettre des enregistrements, photos ou documents d’ordre privé sans le consentement du principal intéressé.

Jamais sans mon droit à l'image

Chaque jour, ce sont plus de 350 millions de photos qui sont partagées sur la seule plateforme Facebook. Les photos et vidéos sont de plus en plus prisées sur les réseaux sociaux. Si leur diffusion et leur publication sont régies par la loi, nombreux sont les utilisateurs à ignorer la réglementation. 

Le droit à l’image découle du droit au respect de la vie privée. Le législateur exige donc qu’une autorisation expresse et spéciale soit établie pour chaque utilisation de l’image d’une personne. En l’absence de cet accord, il n’est pas possible d’utiliser l’image d’autrui.

En cas d’infraction, le législateur prévoit des sanctions identiques à celles appliquées au non-respect de la vie privée. Il prévoit par ailleurs des sanctions allant jusqu’à un an d’emprisonnement et 15 000 € d'amende pour le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec l'image d'une personne sans son consentement. Sauf s’il en est expressément fait mention.

En accordant une cession de droit à l’image, un individu accepte la possibilité qu’un tiers exploite son image dans des conditions préalablement fixées et en maîtrisant le contexte d’exploitation de celle-ci.

Sur les réseaux sociaux, la situation est différente. En acceptant les conditions générales d’utilisation des principaux réseaux sociaux, les utilisateurs de ces plateformes donnent une autorisation générale à l’hébergeur et aux autres usagers de republier leur contenu sans limite, sans considération du contexte ou autorisation spéciale.

Cependant, les utilisateurs disposent d’un droit de retrait de leur image ou de l’autorisation de reproduction si les publications portent préjudice à leur réputation ou à leur vie privée.

L’image étant une donnée à caractère personnel, les utilisateurs peuvent également exercer l’ensemble des droits prévus par la loi Informatique et Libertés et le RGPD, c’est-à-dire : demander la suppression de l’image par exemple. Pour ce faire, ils peuvent signaler le contenu ou notifier l’hébergeur suivant les termes de la LCEN.

Protéger la création grâce au droit d'auteur

Une multitude d’œuvres en tous genres sont partagées sur les réseaux sociaux sans l’aval de leurs auteurs ou ayants droits.

Pourtant, selon l’article L.122-4 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit est illicite ».

Même si l’auteur a partagé son œuvre de façon publique, il n’est pas possible de la repartager sans son consentement et sans le citer. Si l’œuvre a été publiée dans un cadre privé, la publication de l’œuvre sans l’accord de l’auteur peut constituer une divulgation de l’œuvre en violation des droits de l’auteur et est susceptible d’être considérée comme une contrefaçon ou plagiat dans un langage courant. Dès lors qu’on utilise une œuvre qui n’est pas la sienne sur les réseaux sociaux, on est soi-même responsable de l’atteinte aux droits de la propriété intellectuelle.

Les articles L335-2 et L335-3 du CPI prévoient que la contrefaçon est punie de trois ans d’emprisonnement et de 300 000 € d’amende.

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit toutefois des exceptions à ces règles.

Quelques exemples :

  • La diffusion d’une œuvre dans un cercle privé (diffuser de la musique lors d’une fête familiale, etc.) ;
  • La diffusion d’un court extrait d’une œuvre ;
  • La caricature d’une œuvre est autorisée dans un but humoristique ;
  • La captation d’images dans un lieu public incluant une œuvre ne peut être considérée comme une violation dans le cas où sa diffusion n’a pas de fins commerciales.

Dans tous les cas, il est préférable de demander l’autorisation avant toute utilisation d’une œuvre, quelle qu’en soit la forme. De même, il convient de toujours citer les auteurs des publications partagées.

Au-delà du partage, les « likes » peuvent être condamnés

Les « likes » ne sont pas anodins. En France, on peut être poursuivi devant une juridiction pénale pour avoir aimé une photo faisant l’apologie du terrorisme, par exemple.

Le tribunal correctionnel de Meaux (Seine-et-Marne) a en effet condamné, le 21 août 2017, un homme de 32 ans à trois mois de prison avec sursis. Le trentenaire avait apposé un "J’aime" sur une image d’un combattant de Daesh brandissant la tête décapitée d’une femme. Pour se défendre, il avait argué que son action correspondait à une ‘moquerie’.

Mais la procureure de la République a estimé que la mention « J’aime » suppose que « l’on considère que ce n’est pas choquant ou que l’on adhère ».

En cas d’infraction, quelles sont les autorités compétentes ?

Les réseaux sociaux sont soumis aux règles du droit du pays de l'hébergeur. Ainsi, Facebook, Snapchat, Twitter ou LinkedIn sont des sociétés de droit américain qui répondent donc au droit américain. Quant aux sociétés Viadeo ou Dailymotion, elles sont soumises au droit français en raison de la présence de leur siège social sur le sol français.

Cependant, tout dommage pour cause d’injures, d’atteinte à l'honneur, de diffamation... sur internet peut être jugé par les tribunaux du pays dans lequel une personne serait victime de ces dommages. Cela signifie qu'un tribunal français, par exemple, peut être compétent pour juger un dommage subit par un Français ou une personne résidant en France via un réseau social, à la double condition que :

  • la plateforme utilisée soit accessible en France ;
  • la victime ait ses intérêts en France ou que le contenu litigieux soit destiné à un public français.

Pour aller plus loin

Si vous constatez des contenus litigieux sur les réseaux sociaux, il existe des moyens de les signaler :

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