5 mai 2021

Passeport vaccinal / pass sanitaire : liberté, égalité… si vaccinés ?

Lorsqu’il s’agit de l’instauration d’un « passeport vaccinal », la France est coupée en deux. Près de la moitié des Français se prononcent en faveur d’une obligation de vaccination pour tous les usagers des transports en commun (52 %), pour les spectateurs des cinémas et salles de spectacle (50 %), ou encore pour les salariés souhaitant exercer leur activité sur leur lieu de travail habituel (50 %). Si l’angle sanitaire divise les français, une lecture juridique de la mise en œuvre du passeport vaccinal peut aider les citoyens dans leur manière d’aborder ce dispositif.

Passeport vaccinal ou pass sanitaire ? 

Avant toute chose, il est essentiel de bien préciser les contours des deux projets qui sont en préparation au moment de publier ces lignes.

  • Le passeport vaccinal : pour faciliter les déplacements des voyageurs vaccinés au sein de l’UE, la Commission européenne travaille actuellement à l’établissement d’un certificat qui serait déployé dans chacun de ses 27 États membres.  

    D’un point de vue juridique, le terme de ‘passeport sanitaire’ est controversé. En effet, il est nécessaire de différencier le passeport, qui a un sens juridique précis, et qui certifie l'identité et la nationalité d’un citoyen, de la notion de carnet de vaccination.

    Si le projet de loi relatif à la gestion de crise sanitaire, présenté en Conseil des ministres le 28 avril 2021, donne une première base juridique au principe d’un certificat sanitaire, le pass sanitaire, donnant l'accès à certains événements, devra quant à lui faire l'objet d'un traitement spécifique. Ce qui implique des discussions au Parlement.
     
  • Le pass sanitaire : limité au territoire national, il attesterait de la vaccination des citoyens français et pourrait être exigé pour accéder à certains espaces publics tels que les bars, les restaurants, les salles de sport ou encore les cinémas, lors de leur réouverture. À la différence du passeport vaccinal, il est également envisagé que le pass sanitaire contienne le résultat négatif d'un test PCR de moins de 72h.

A savoir :
En France, l’initiative des lois appartient soit au Premier ministre soit aux parlementaires, qu’ils soient députés ou sénateurs. Les lois initiées par le Premier ministre sont appelées « projets de loi », tandis que celles initiées par les parlementaires sont désignées comme des « propositions de loi ».

Un impact direct sur les libertés

Concrètement, l’instauration de tels dispositifs dans notre droit conduirait à une obligation de détenir un document officiel attestant de la réalisation d’un vaccin contre le Covid-19 ou d’un test négatif. Ceci afin d’échapper à certaines restrictions de liberté.

Néanmoins, tant que l’intégralité de la population française n’aura pas été vaccinée, une partie des citoyens ne pourra pas prouver son statut sanitaire, et ses libertés seront par conséquent restreintes. En d'autres termes, les actes quotidiens de la vie vont requérir le vaccin, si bien que, en réalité, il sera obligatoire sans le dire.

Parmi les effets indirects, mais bien réels de ces dispositifs, nous pouvons citer le fait que les citoyens non vaccinés se trouveront privés du droit d’entreprendre, de travailler, de leur liberté d’aller et venir ou encore du droit au respect de la vie privée et familiale.

Sur ce dernier point, l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme protégeant le droit à la vie privée et familiale a développé une jurisprudence très protectrice de la sphère privée, laquelle comporte notamment le droit à l’autodétermination et la santé.

Néanmoins, un arrêt de la Grande chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) daté du 8 avril 2021 statue sur la vaccination obligatoire des enfants pour accéder à l’école en République Tchèque. La plus haute juridiction européenne estime que la vaccination obligatoire des enfants, ne constitue pas une violation des dispositions de l’article 8 de la Convention européenne sur le droit au respect de la vie privée. En effet, elle considère que la vaccination obligatoire est « nécessaire dans une société démocratique ».

D'un point de vue médical, l'obligation de vacciner ne semble pas heurter les médecins. En atteste une récente intervention de Jean-Paul Hamon, professeur d’immunologie pédiatrique, chercheur en biologie et président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale anti-Covid-19 : « Ca ne me choquerait pas que la vaccination soit obligatoire pour tous les professionnels de santé. De même, dans un EHPAD que je connais très bien la vaccination a démontré son efficacité sur les personnes âgées. Au final l’obligation simplifierait les choses, bien qu’il y aura sans doute quelques râleurs. »

Une altération directe du principe d’égalité

En France, l’égalité est un principe à valeur constitutionnelle. L'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen dispose que « la loi doit être la même pour tous ». En conséquence les personnes se trouvant dans une même situation doivent être traitées de manière identique.

À ce titre, le code pénal sanctionne les distinctions fondées sur de nombreux critères, parmi lesquels figure l'état de santé.

En matière de droit international, l’approche diffère et recherche davantage le droit à la non-discrimination. La Convention Européenne des Droits de l’Homme, dans son article 14, stipule que « La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

Pour la Cour Européenne des droits de l’homme, il y a discrimination lorsqu’une personne est, sans justification objective et raisonnable, traitée moins favorablement qu’une autre personne placée dans une situation analogue.

Suite à la mise en œuvre du passeport vaccinal, un élément de la santé des individus conduirait à une exclusion sociale d’une partie d’entre eux. Les citoyens vaccinés seraient alors distingués des citoyens n’ayant pas reçu leur dose de vaccin. En d’autres termes, le principe du passeport vaccinal pourrait être considéré comme une légalisation d’une discrimination pour motif de santé.

Intégrer les résultats des tests PCR dans les justificatifs du passeport vaccinal est une piste qui permettrait quant à elle de faire disparaître la discrimination. En effet, les tests sont gratuits et accessibles à tous en France. À cela une raison, l'égalité d'accès aux soins constitue l'un des trois principes fondateurs de l'Assurance Maladie.

Qu’en est-il des autres dispositifs de vaccination ?

La mise en place de dispositifs contraignants visant à lutter contre l’épidémie de Covid-19 soulève légitimement la question de la discrimination basée sur l’état de santé.

Par souci d’exactitude, rappelons néanmoins que la vaccination est déjà obligatoire pour se rendre dans certaines destinations. C’est notamment le cas pour les personnes souhaitant se rendre en Guyane, elles doivent préalablement se faire vacciner contre la fièvre jaune. Ce vaccin ne peut pas être administré par le médecin traitant et la vaccination doit être effectuée dans un centre habilité.

Un certificat de vaccination international d’une validité de 10 ans est alors à présenter lors du passage de frontière. Si ce document est obligatoire, juridiquement il reste distinct du passeport sanitaire pour la Covid-19.

Enfin les vaccins juvéniles permettant d’accéder à l’école sont obligatoires non seulement en France, mais également dans d’autres pays de l’UE.

 

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