21 novembre 2022

L’inflation peut-elle peser sur les contrats publics ?

La hausse des prix de l’énergie et des matières premières affecte les fournisseurs et prestataires des institutions publiques. Le droit autorise les entreprises à répercuter des hausses tarifaires aux collectivités locales. Mais elles doivent respecter plusieurs conditions.

Flambée des tarifs d’électricité et de gaz, ruptures d’approvisionnement, tensions sur les marchés de matières premières… Dans le contexte de la guerre en Ukraine, l’inflation a atteint 6,2 % en octobre en France sur douze mois, selon l’Insee1. Les entreprises qui vendent des biens ou des services aux collectivités locales (ou à d’autres administrations) peuvent s’en trouver sévèrement impactées, comme l’ensemble des acteurs économiques, et l’exécution des contrats est parfois remise en cause. 

Les fournisseurs et prestataires sont-ils autorisés à répercuter la hausse de leurs coûts sur les communes clientes ? Oui, mais sous certaines conditions. Au regard de la conjoncture actuelle, un avis attendu du Conseil d’État du 15 septembre 20222 est venu préciser le champ et les modalités de modification tarifaire des contrats publics en cours d’exécution. Pour faire face à ce type de situation, l’accompagnement de la collectivité par un avocat est indispensable. A fortiori lorsqu’elle ne dispose pas de service juridique.

L’entreprise doit justifier d’une cause imprévisible 

Quelles sont les règles en vigueur ? Pour faire valoir une hausse inopinée de sa facture, une entreprise qui a passé un contrat avec une administration doit justifier d’une cause imprévisible. C’est une condition indispensable. A contrario, si les événements qu’elle subit pouvaient être raisonnablement anticipés au moment de la signature du contrat (par exemple, le froid en hiver), elle ne pourra pas s’y référer plus tard pour relever ses tarifs. En outre, l’effet de ces circonstances inattendues doit obligatoirement être négatif pour ses comptes et empêcher la bonne réalisation de la commande.

À quoi ce fournisseur ou prestataire peut-il prétendre ? La révision tarifaire demandée doit avoir pour objectif de couvrir le surcoût occasionné par les faits imprévus, sans aller au-delà. « Les modifications envisagées doivent être strictement limitées, tant dans leur champ d’application que dans leur durée, à ce qui est rendu nécessaire par les circonstances imprévisibles pour assurer la continuité du service public et la satisfaction des besoins de la personne publique », souligne le Conseil d’État. En principe, une liste limitée de dépenses peut être invoquée : charges de personnel, frais généraux, achat de matières premières, charges d’assurance, etc. La collectivité peut demander des justificatifs pour chacune de ces lignes de dépense. 

La collectivité est en droit de négocier ou de refuser une hausse des prix

C’est une limite posée aux demandes des fournisseurs et prestataires. En outre, comme le prévoit le code de la commande publique, si le contrat a été passé dans le cadre d’un appel d’offres, la hausse des prix attribuée à une circonstance imprévue ne peut pas dépasser 50 % du tarif initial, qu’elle soit appliquée en une seule fois ou en plusieurs fois. Si l’augmentation provoquée excède ce plafond, un nouvel appel d’offres doit être mis en œuvre.

Par ailleurs, la collectivité n’est pas obligée d’accepter le relèvement tarifaire demandé. Il existe des solutions alternatives. D’une part, l’administration et l’entreprise peuvent négocier une indemnité d’imprévision, c’est-à-dire une somme versée pour compenser temporairement le surcoût du fournisseur ou prestataire. Sur le plan juridique, il faut toutefois noter que cette indemnité échappe à la règle du plafonnement à 50 % évoquée plus haut. D’autre part, les deux parties peuvent s’entendre sur une prolongation du contrat, sous certaines conditions, de sorte que le prix versé par la collectivité pour une période supplémentaire couvre les surcoûts temporaires. En dernier lieu, l’administration peut aussi formuler son désaccord sur tout ou partie de la hausse. 

En cas de litige, le juge administratif peut fixer une « indemnité d’imprévision »

En cas de différend sur le fond ou de renégociation inaboutie, le litige peut être porté devant un juge administratif. Le tribunal va examiner les données économiques. Il a le pouvoir d’accorder, le cas échéant, une indemnité d’imprévision au requérant. Mais il ne peut pas changer les prix inscrits dans le contrat, que ce soient les prix d’origine ou des prix renégociés à la hausse. L’indemnité d’imprévision a pour but de couvrir les surcoûts, sans dépasser leur montant. Il existe donc un cas de figure où les tarifs ont été augmentés dans un premier temps, mais insuffisamment pour résorber le surcoût : l’indemnité d’imprévision doit couvrir la différence. 

En dehors des moments de crise inflationniste, une entreprise peut aussi demander une modification des prix, dite de faible montant – même si le motif invoqué ne remet pas en cause l’exécution du contrat ou son équilibre financier. Il peut s’agir, par exemple, de répercuter la hausse d’une prime d’assurance. Si la valeur de cette augmentation reste inférieure au seuil des marchés publics et à 10 % du prix initial (ou 15 % pour les travaux), la collectivité n’a pas besoin de lancer une nouvelle procédure de publicité ou de mise en concurrence. 

Pour faire face à l’évolution du contexte législatif, l’avocat est aux côtés des élus locaux et des collectivités territoriales pour les éclairer sur leur droit et sur les meilleurs moyens possibles pour assurer la pérennité de leurs contrats publics.


Sources

  1. « En octobre 2022, les prix à la consommation augmentent de 6,2 % sur un an », Insee, octobre 2022
  2. « Avis relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique Conseil d’Etat », 15 septembre 2022, n°405540

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